De nouvelles manœuvres diplomatiques autour de
l’Ukraine ont commencé, et elles ont commencé sans la présence physique des
Etats-Unis.
Le 17 août dernier, les
quatre ministres des affaires étrangères d’Allemagne, France, Russie et Ukraine
se sont réunis à Berlin. L’absence des Etats-Unis a été très remarquée alors
que ce pays, on le sait, intervient en Ukraine depuis plusieurs années et a
piloté politiquement et militairement les évènements récents. Très peu a filtré
des conversations et on peut maintenant penser que c’est parce qu’il
s’agissait de préparer les rencontres au niveau présidentiel.
Mme Merkel sera donc à
Kiev demain, samedi, pour rencontrer M. Poroshenko. Il s’agit d’une énorme
concession, une sorte de cadeau pour M. Poroshenko (le président ukrainien
aurait pu se rendre à Berlin, mais c’est Mme Merkel qui va à Kiev). Comme, en
politique internationale, on ne fait pas de cadeaux, le gouvernement allemand
attend quelque chose en retour et on peut espérer une évolution positive de la
position de Kiev dans la crise ukrainienne. Nous rappellerons qu’au début des
opérations militaires dans l’ouest de l’Ukraine, avant l’attaque du vol MH17,
Berlin et Moscou avaient été en tête des manœuvres diplomatiques pour résoudre
la crise. Je pense que nous pourrions apprendre que le gouvernement de Kiev
décide d’un cessez-le-feu unilatéral alors que la poursuite de ses opérations
punitives risque de plus en plus de déclencher une réaction russe. Et qui dit cessez-le-feu dit négociations.
Ce voyage arrive à un
moment où le soutien pour l’Ukraine est en train de faiblir en Europe. On
commence à ressentir les conséquences des sanctions économiques, les médias qui
avaient, dans leur grande majorité, ignoré les opérations militaires de Kiev commencent
à mentionner la crise humanitaire déclenchée par ces opérations. Le feuilleton
du convoi d’aide humanitaire envoyé par Moscou n’est certainement pas étranger
à cette évolution de la couverture médiatique. D’autre part, l’Ukraine va avoir
besoin d’un soutien financier colossal. Le pays était déjà en faillite au début
de la guerre et les opérations menées par l’armée de Kiev et par des bataillons
non contrôlés par Kiev, ont provoqué d’importantes destructions dans la région
la plus industrialisée du pays. Le FMI interviendra sans doute, mais on sait de
quoi sont accompagnées ses aides, et du caractère destructif qu’elles auraient
pour un pays dans la situation de l’Ukraine. Berlin et Moscou pourraient, eux,
avoir une approche plus constructive.
Trois jours après cette
rencontre, une autre réunion va avoir lieu à Minsk, une réunion peut-être plus
importante que celle entre les dirigeants allemand et ukrainien, une réunion où
M. Poroshenko va rencontrer M. Poutine. Il s’agit, au départ, d’une réunion de
l’Union Douanière Russie, Biélorussie, Kazakhstan à laquelle se joindra M.
Poroshenko et un représentant de l’Union Européenne. Il ne vous aura pas
échappé qu’ainsi, le président ukrainien aura eu, à trois jours de distance,
une réunion avec chacun des deux blocs économiques qui sont ses voisins,
l’Union Européenne, représentée par son membre le plus important, et l’Union Douanière qui doit devenir, le 1er
janvier 2015, l’Union Economique Eurasiatique.
On notera que M. John
Kerry n’est pas annoncé à Minsk non plus mardi prochain. Pour une raison qui
n’est pas évidente pour le moment, Washington semble se désintéresser de la
crise ukrainienne et a passé le relais à Mme. Merkel. On ne peut que se réjouir
de cette situation nouvelle puisque l’ensemble des pays concernés sont des pays
européens. Il est possible qu’après avoir sous-estimé la résolution de la
Russie qui fait bloc derrière son président, les Américains aient compris qu’ils
n’atteindraient pas le but recherché et qu’ils abandonnent le terrain avant que
l’on ne constate leur défaite face M. Poutine. De toute façon, ils n’ont pas dit
leur dernier mot puisqu’ils contrôlent l’Otan et les principales organisations
internationales comme, entre autres, le FMI.
Je mentionnerai, pour
conclure que si toutes ces nouvelles semblent positive pour l’Europe au sens
large, il est encore un peu tôt pour se réjouir. N’oublions pas que depuis quelques
mois, chaque fois qu’une issue diplomatique semblait possible, un événement
tragique, réel ou supposé, est venu stopper cette évolution. Il y a eu le drame
du vol MH17 attribué d’abord par Kiev aux rebelles et à Moscou (on a vu
maintenant que la responsabilité serait plutôt quelque part du côté ukrainien),
puis cette histoire irréelle d’un convoi de 23 véhicules blindés soi-disant
russes qui auraient tenté d’envahir l’Ukraine avant d’être détruit par les forces
de Kiev (si la Russie devait un jour envahir son voisin le ferait-elle
seulement avec 23 transports de troupe blindés ? Qui peut croire
cela ? Et il n’existe aucune photo ou vidéo de ce soi-disant épisode).
Kiev a ensuite accusé les rebelles d’avoir bombardé un convoi de réfugiés,
faisant plusieurs morts. Maintenant, il y a ce convoi d’aide humanitaire envoyé
par la Russie qui ferait également un excellent prétexte pour un groupe cynique
qui ne voudrait pas de la paix. Il y a, dans le conflit ukrainien une guerre
militaire mais aussi une vaste entreprise de désinformation qui semble pilotée
depuis Kiev et relayée par les médias occidentaux, et, ce qui semble bien pire,
par des gouvernements européens ou américains.
Mais les guerres finissent un jour. Pourquoi pas la semaine prochaine en Ukraine ?
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