jeudi 28 août 2014

Recette des “nouvelles à la Kiev”


Vous avez certainement, comme moi, entendu l’inénarrable porte parole du département d’Etat américain expliquer que les Etats-Unis disposaient de preuves irréfutables de l’agression russe en Ukraine. Si on la pousse un peu dans ses retranchements, ce que bien peu de mes confrères se risquent à faire, elle explique que ces preuves ont été recueillies sur les « réseaux sociaux ».
Je me suis donc renseigné sur la façon dont les nouvelles et les preuves prenaient le chemin des réseaux sociaux pour arriver à Washington.
Il existe, dans l’immeuble du ministère de l’intérieur, à Kiev une série de bureaux, un de mes confrère dit même que c’est en réalité tout un étage de l’immeuble, dans lesquels travaillent de nombreuses personnes parlant le russe ou l’ukrainien avec un curieux accent américain. Il y a dans ce groupe, ceux qui « découvrent » les nouvelles. C’est un travail qui demande un peu d’imagination, mais moins que l’on pourrait l’imaginer.
Une fois la nouvelle « découverte » et le scénario élaboré, il suffit alors à d’autres, d’inonder les réseaux sociaux avec cette nouvelle que l’on ne cherche même pas à prouver. D’ailleurs, le pourrait-on puisqu’on vient de la « découvrir ». L’important, c’est qu’elle soit un peu partout, en Ukraine principalement.
L’étape suivante est de signaler la nouvelle aux médias étrangers, américains principalement. A ce moment, la porte parole du département d’état n’a plus qu’à l’annoncer. Les journalistes chercheront une confirmation… sur les réseaux sociaux. Devant la quantité de sources concordantes, on ne peut alors que se rendre à l’évidence. C’est forcément vrai.
Comme ces nouvelles se succèdent à grande vitesse et que les médias vivent dans l’instant présent, même si la nouvelle est plus tard infirmée, la correction ne sera pas faite. Ou alors, « discrètement ».
Ainsi, vous vous souvenez certainement des photos publiées par le New York Times (un modèle de probité professionnelle ce quotidien !) montrant des hommes en tenue militaire prises la première en Russie, la seconde en Ukraine et qui servait donc de preuve à la nouvelle de l’intervention de soldats russes en Ukraine. Quelques jours plus tard, il s’est avéré que les deux photos avaient été prises en Ukraine. Alors que la première version était passée en première page, le démenti (dans ce cas il a bien fallu démentir, c’était trop « gros ») est passé discrètement en bas de troisième page. Mais le résultat était atteint, la nouvelle avait été reprise par de nombreux médias et des millions de personnes sont restées avec l’impression que des militaires russes étaient bien en Ukraine.
Parfois, quand l’évènement est en lui-même très important, on ne l’invente pas, mais on invente une explication évidemment défavorable à la Russie ou aux séparatistes, comme dans le cas du vol MH17.
Donc, dès que vous lisez des nouvelles dans les médias, n’oubliez pas de « brancher votre esprit critique » ! Quelques remarques pourraient vous être utiles. Par exemple, on n’envahit pas un pays de 53 millions d’habitant avec dix parachutistes. De même, on ne l’envahit pas avec une colonne de dix transports de troupe, même blindés. De plus, une photo de cette colonne aurait été intéressante, mais il n’y en a pas. Les journalistes anglais qui ont « vu » les blindés n’avaient pas d’appareil photo, pas même un téléphone portable pour faire quelques clichés !
S’il s ‘agit de déclarations d’une personne connue, on peut aussi utilement se référer à des déclarations antérieures de la même personne. Prenez, par exemple, le secrétaire général de l’Otan M. Anders Fogh Rasmussen. Il a récemment déclaré que la Russie allait envahir l’Ukraine et que l’Otan devait donc s’y préparer. C’est le même M. Rasmussen qui déclarait en 2003 : “Iraq has Weapons of Mass Destruction. It is not something we think; it is something we know.”
Enfin, il peut être utile de se poser LA question : à qui cela profite-t-il ? J’essaierai de réfléchir demain sur ce type de question : "à qui profite la poursuite de la guerre civile dans le sud de l’Ukraine ?" La question « à qui profite l’attaque contre le MH17 » est, elle, trop facile…

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