Depuis plus de cinquante
ans, nous souffrons de différents types d’enfermements progressifs dans
lesquels on nous a poussé lentement sans que nous n’y prenions garde et il sera
bientôt trop tard pour en sortir, au moins de façon pacifique.
La disparition de l’Urss
a laissé les Etats-Unis sans adversaire de référence, mais surtout, et c’est là
le drame, elle a laissé les populations occidentales sans alternative
idéologique. Il n’est pas question de regretter le système communiste dont
l’échec était patent bien avant 1991. Ce qu’il faut regretter, c’est que
l’absence d’alternative ait laissé les coudées franches à un autre système
totalitaire qui s’est développé sans concurrence. L’ironie est que le développement
de la concurrence est un des mantras de ce système totalitaire, dans le domaine
économique évidemment, pas dans le domaine politique.
Chaque peuple a le droit
de se développer dans le système politique qui lui convient. Qui sommes-nous
pour expliquer hors de nos frontière comment les autres pays devraient vivre et
sous quel système. Chaque pays a sa propre culture et les systèmes politiques
sont des produits culturels. Un système né en France ne peut s’exporter tel
quel dans un autre pays. De la même façon, un système pensé et organisé dans
une autre culture que la culture française ne peut être importé sans
modification. Plus les cultures sont différentes et plus les modifications
nécessaires seront importantes.
On peut penser ce que
l’on veut du système politique américain, il a été organisé progressivement aux
Etats-Unis par des Américains, des membres d’une certaine culture et eux-seul
peuvent décider si ils doivent en changer. Nous avons cependant le droit de
dire que ce système ne convient pas à une culture comme la culture française,
donc aux Français, donc à la France.
Pendant des siècles, la
France a inventé son système politique, une philosophie politique. Cela ne
s’est pas fait sans heurts et sans erreurs. Il y a eu des périodes de corrections,
des corrections parfois violentes comme à la fin du dix huitième siècle, mais
la naissance d’une nation est rarement un processus calme et apaisé. Longtemps,
la France a été en pointe dans ce domaine et les étrangers sont venus étudier
sa façon de s’organiser et de se gouverner. Ils venaient chercher des idées
qu’ils adaptaient ensuite à leur réalité avant de chercher à les appliquer.
Mais depuis la chute de l’Urss et le vide idéologique qu’elle a laissé, on
cherche à imposer au monde entier, donc aussi à la France, un système créé
ailleurs. Aussi bon puisse ce système être, là où on l’a imaginé, ce dont nous
discuterons par ailleurs, il ne peut l’être en France.
Le problème est qu’avant
de commencer à imposer ce système et ensuite pendant le processus lui-même, la
population a été manipulée pour non seulement ne pas rejeter le nouveau
système, mais au contraire pour qu’une majorité de cette population le trouve
attitrant.
Des auteurs ont développé
cette idée, comme Hervé Juvin dans son excellent livre « Le mur de l’Ouest
n’est pas tombé[1] »
publié en 2015. Il nous y explique comment nous sommes dans un état d’
« occupation mentale, technique, économique » qui nous prive
« du pouvoir que la République nous a donné » assaillis que nous
sommes par des idées qui nous tiennent, qui font l’opinion et provoquent
« ce consentement à tout qui remplace le débat démocratique ». Il
suggère de « déconstruire la piété française pour le marché et cette
« ouverture » imposée, interroger ces idées surgies de nulle part qui
s’étalent dans l’espace public avec suffisance, arrogance et irrespect,
questionner enfin ce qui ne supporte pas les questions », avant de
proclamer : « Mon parti est celui de la France, des Français, de
nous, de ceux qui savent encore dire nous ».
On ne peut en principe
pas imposer à un pays un système de valeurs, un type de gouvernement qui ne
correspond pas à sa culture. Pour y arriver, il faut utiliser la force, sous
une forme ou une autre. Une telle opération ne peut donc pas se faire dans une
vraie démocratie. La première étape a donc été de faire disparaître
progressivement la démocratie tout en prétendant évidemment le contraire.
Emmanuel Todd a exposé ce
processus dans son livre de 2004, « Après l’Empire[2] »,
montrant comment le développement des enseignements secondaire et supérieur ne
peut que déstabiliser la démocratie : « Educations secondaire et
surtout supérieure réintroduisent dans l’organisation mentale et idéologique
des sociétés développées, la notion d’inégalité. Les « éduqués supérieurs »,
après un temps d’hésitation et de fausse conscience, finissent par se croire
réellement supérieurs. Dans les pays avancés émerge une nouvelle classe pesant,
en simplifiant, 20% de la structure sociale sur le plan numérique et 50% sur le
plan monétaire. Cette nouvelle classe a de plus en plus de mal à supporter la
contrainte du suffrage universel ». La société se transforme alors en un
système de domination fondamentalement inégalitaire comme le prévoyait Michael
Lind[3].
Dix ans après, les
pourcentages mentionnés par Todd en 2004 ont largement évolués, la nouvelle
classe oligarchique représentant en nombre un pourcentage proche de un. D’après
Gregory Mantsios[4], aux
Etats-Unis, un pour cent de la population possède 34% des richesses totales. En
France, les un pour cent les plus riches possèdent 24% de la richesse totale[5].
L’organisation financière
actuelle favorisant la centralisation du capital, cette tendance devrait
s’accentuer. Il fallait donc faire évoluer les mentalités afin de rendre la
situation acceptable, d’autant que l’argent étant devenu la source principale
de pouvoir il fallait tenter d’habiller la nouvelle oligarchie des oripeaux de
la démocratie.
A suivre, « Les
différentes cages dans lesquelles on nous enferme progressivement ».
[1] Hervé Juvin, « Le Mur de
l’Ouest n’est pas tombé », éditions Pierre Guillaume de Roux, Paris, 2015
[2] Emmanuel Todd, « Après
l’Empire, Essai sur la décomposition du système américain », Gallimard
Paris 2004
[3] Michael Lind, « The next
American nation, The free press, New York 2010, opus cité par Emmanuel Todd
[4] "Class
in America – 2009". In Rothenberg, Paula S. Race, class, and gender in the
United States: an integrated study (8th ed.). New York: Worth Publishers.
p. 179
[5] http://www.economiematin.fr/news-repartition-richesse-patrimoine-etude-julius-bar
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire